Avoir un enfant c’est ….

Faire un enfant c’est tout d’abord avoir confiance en soi.

Penser qu’on pourra être une bonne mère, qu’on saura assumer cet enfant, qu’on sera assez forte pour deux. Savoir qu’on pourra voir notre corps changer et qu’on saura ne pas s’en inquiéter. C’est assumer des peurs qui ne manqueront pas de nous faire du mal. C’est devenir la proie de nos pires cauchemars. C’est prendre le risque de tout perdre.

Avoir confiance dans le père, celui qui nous soutiendra et que nous soutiendrons aussi, celui qui sera là malgré les aléas de la vie, celui qui fera vivre notre mémoire si jamais nous n’étions plus la…

Avoir confiance dans la vie, penser que demain ne sera pas le big bang, penser que demain ne sera pas pire que maintenant, croire que le futur permettra à notre enfant de grandir, se développer et vivre heureux.

Et pour vous avoir un enfant c’est quoi ?

Dans le bureau de ma mère il y a …

un meuble, avec des tiroirs.

Dans le deuxième tiroir en partant du bas il y a une enveloppe craft au format A4. Un peu usée sur les bords mais encore craquante.

Dans cette enveloppe on y trouve un passeport qui n’est plus valable depuis longtemps, toutes les pages sauf 2 sont pleines. Le dernier visa est un visa pour la Malaisie.

Dans cette enveloppe on y trouve un portefeuille en cuir marron de marque Cartier. Des cartes de visites avec une photo au nom de son propriétaire. Quelques cartes de visite récoltées au gré des gens rencontrés. Deux cartes de payement, mastercard et visa, quelques cartes militaires aussi. On y trouve aussi des tickets bancaires, effacés depuis longtemps.

Dans cette enveloppe, on y trouve aussi une montre de marque Citizen, dont le verre est cassé. Une montre en or peut être. Une montre à aiguille. Une des aiguilles n’est plus fixée, impossible de savoir à quelle heure la montre s’est arrêtée.

Dans cette enveloppe on y trouve une alliance, une alliance en mauvais or, une alliance fait de métal tressé, qui vient d’Afrique. Une alliance déformée.

Dans cette enveloppe, on y trouve des lettres envoyés par des amis, des cartes de correspondance signées par des généraux, des cartes signées par des enfants, tous ces bouts de papiers n’ont qu’un seul point commun, ils portent tous ces mêmes mots: toutes mes condoléances.

Dans cette enveloppe se trouve un registre de condoléances.

Cette enveloppe je l’ai ouverte bien des fois. Profitant que ma mère soit au travail, l’ouvrant comme on ouvre un coffre secret, délicatement, avec attention, j’ai ouvert le portefeuille, lu et relus les cartes de visite, appris par coeur les différents pays dont les visas ornent les pages du passeport. J’ai lu les cartes, j’ai lu les noms de ceux qui avaient signé, à la recherche d’un souvenir. J’ai regardé la montre, je l’ai soupesée, me disant qu’il fallait être un homme fort pour porter ce genre de montre. J’ai pris l’alliance en main, j’en ai appris les formes, gardant en mémoire pour toujours cette image et refusant de me représenter comment le doigt qui l’avait porté avait souffert pour que l’alliance soit déformée à ce point.

Cette enveloppe je l’ai remise à chaque fois dans ce tiroir dans la même position que celle ou je l’avais trouvé. Pour ne pas que ma mère découvre ce que j’avais fait.

Et à chaque fois, j’étais heureuse de l’avoir ouverte, heureuse d’avoir passé quelques instants avec mon père.

J’ai 33 ans maintenant, et cette enveloppe reste l’un des souvenirs les plus fort que je n’aurais jamais de mon père.

Un jour je la mettrais dans un tiroir de mon bureau.

P.S: J’ai écrit ce texte il y a 4 ans maintenant. Depuis l’enveloppe est toujours dans le bureau de ma mère, mais le bureau a déménagé… et ma mère aussi. Mais pas au même endroit.

Derrière la paroi de verre…

Derrière la paroi de verre…

… mes enfants. Ils sont la je les vois, ils me voient. Entre nous cette paroi de verre.

Nos mains qui se cherchent, nos regards brulent, nos regards plein de peur, de manque déjà pressentis. L’inéluctable est là. Eux et moi, nous en sommes déjà conscient, cette douleur au fond de soi, le coeur serré, le regard déjà perdu de douleur, les regarder encore et encore, savoir que c’est la fin, que plus jamais nous ne serons réunis. Elle est trop petite pour comprendre mais ses mains serrées et ses larmes de l’autre côté, me prouvent qu’elle souffre déjà. Et j’aimerais qu’ils oublient même qu’ils m’on connu pour que mon absence ne leur soit pas douloureuse. Je voudrais, je supplie l’insuppliable, je demande la paix pour eux à défaut de pour moi. Déjà ils s’éloignent, déjà le mur de verre se fait plus épais. Bientôt il n’y aura plus pour eux et pour moi que la solitude. Ils seront seuls dans ce monde et leur solitude, leur douleur m’est insupportable. Je ne les vois plus. Je me roule en boule et je pleure. Je les sais qui pleurent aussi.

La désespérance, la peur, l’injustice et la désespérance encore.

Je vais me réveiller, je le sais, mais cette sensation perdura quelques heures, quelques jours, quelques mois.

En attendant je pleure dans mon sommeil.

Nous n’étions pas d’ici, nous savions déjà que nous n’y resterions pas…

Nous étions là, suivant nos parents, attendant leur décision, pour savoir si ce lieu serait le notre une ou deux ou peut être trois années.

Nous n’étions pas de là, nous étions d’ailleurs, ça nous donnait une vie différente. Nous en avions conscience.

Nous n’étions pas même arrivé que nous savions déjà que nous repartirions, que nous n’avions aucun pouvoir sur cette décision.

Nous n’étions de nul part, car pour beaucoup nous n’avions vécu que d’autres pays… mais pas le notre.

Le notre était ce celui ou nous vivions ? Ou celui des fêtes de noël et des grandes vacances ?

Nos amis ? Qui étaient il ? Venaient il d’ici ? De là ? De notre pays ? D’un autre pays ?

Nous étions hors du monde, car quand nous sommes rentrées c’était comme si ces années n’avaient pas existé pour les autres… Si pour nous elle étaient blessures car abandon, pour les autres elles étaient bonheurs car retour.

En parler ? A qui ? C’était une autre vie, une vie difficile à raconter.

Je pensais être la seule à me dire ça… Je me rends compte que c’est faux… Quelques mots échangés sur FB, la gorge qui se sert, les mots qui sortent en amas épais, besoin de dire enfin. Sensation de délivrance. Compréhension totale et complète, même mots de l’autre coté du clavier.

Je ne suis pas seule, je ne suis plus seule, je n’ai jamais été seule à ressentir ça. Mais sans ces autres qui ont vécu cette même vie ailleurs, je ne le savais pas.

Nous n’étions pas de la bas, mais la bas est un peu en nous.

1 degrés, il pleut, il fait froid…

J’ai 11 ans, nous sommes à Southampton chez des amis de ma mère.

J’ai froid. Nous devons être en février.

Dans la chambre je suis collée au radiateur. Le froid est en moi. Je suis littéralement collée au radiateur. Mon dos brûle. L’arrière de mes bras aussi. Mais j’ai froid à la poitrine, froid partout ou je ne brûle pas. La ou je touche le radiateur ma peau est même douloureuse. Je suis littéralement en train de me brûler en écrasant ma peau sur le métal brûlant. La chaleur traverse mes vêtements. J’ai mal. Mais entre cette douleur et le froid que je ressens… je préfère cette douleur.

Combien faisait il dans cette maison ?

Aucune idée, peut être 17 degrés. J’étais frigorifiée.

Dehors il fait 1 degrés. Nous sommes en novembre. L’hiver va être long…. et j’ai une pensée pour mon ami Tchadien qui vit … en Suède: le fou !